LA THEORIE DES GENS SEULS
(Monsieur Jean, Hors-série)

1èr éd. : mars 2000, éditions LES HUMANOÏDES ASSOCIES, collection Tohu Bohu.
120 pages en n&b

16,5 x 23 cm

Cet album prend place dans la chronologie des albums de Monsieur Jean entre le milieu du troisième volume (Les femmes et les enfants d'abord) et le début du quatrième (Vivons heureux sans en avoir l'air).


Entretien publié dans Sofa n°5 (Avril 2000) :

Les tueurs du lavomatic

Un an après un prix d'Angoulême pour Vivons heureux sans en avoir l'air, Dupuy & Berberian nous rendent Monsieur Jean. Ils nous le rendent parce qu'il commence vraiment à faire partie de nos amis, un ami qui nous ferait des confidences, qui nous raconterait ses rêves remplis de culpabilité judéo-chrétienne et qui nous présenterait ses amis…

Bon, de vous deux, qui est Dupuy-Berberian et qui est l'autre à côté de lui ?
Charles Berberian :(rires) C'est vrai qu'on nous prend encore pour une seule personne, un peu précieuse avec un nom composé.
Philippe Dupuy : C'est plutôt bon signe, ça prouve qu'on intéresse davantage les gens par ce qu'on raconte plutôt que par la manière, pas bizarre, mais pas si répandue de travailler.
PD :Ce matin j'y pensais en allant au lavomatic avec mon gros sac à linge sur le dos. Si j'étais un comédien hyper connu, je ne pourrais pas faire ça ! Là, c'est Dupuy-Berberian va au lavomatic, on se fout de savoir lequel !

Ce nouvel album, c'est la suite du tome 4 de Monsieur Jean ou plutôt un hors-série ?
CB : C'est le numéro 3,5…
PD : On s'autorise des souvenirs. On a travaillé comme pour un Monsieur Jean normal.
CB : Mais la différence principale, c'est qu'on partait dans une histoire sans en connaître le nombre de pages.
PD : Avec les tueurs dans la première histoire, on voulait dérouter le lecteur. Ils sont revenus à la fin comme une sorte d'évidence. C'est inconscient : on met des choses, sans trop savoir pourquoi et puis on finit toujours par trouver une explication
CB : C'est assez agréable de se laisser mener par le récit qu'on est en train de dérouler, de pouvoir prendre des tangentes quand on veut. C'est une approche de l'écriture assez excitante. Contrairement à un album couleur, on pouvait développer nos histoires sans se retrouver coincé à cause du nombre de pages. C'est donc la suite logique du tome 4 et de sa construction très rigide, mais chronologiquement, il se situe entre le 3 et 4.
PD : Ca nous amuse beaucoup d'installer une chronologie et de nous promener avec un anachronisme scandaleux (rires). Le personnage vieillit, on raconte une évolution, mais on peut suspendre le temps. C'est drôlement bien de faire des grandes histoires et de les continuer de livre en livre mais c'est bien aussi de pouvoir faire des histoires courtes qui ne se rattachent à rien.

Est-ce qu'un jour on verra Monsieur Jean à 50 ans ?
PD : Est-ce que c'est facile de s'envisager soi-même vingt ans plus tard ? C'est le même problème.
CB : L'idée qui me plait, c'est Monsieur Jean vieux, avec nos mains en train de trembler…
PD : Avec quatre pages pour se rendre du fauteuil à la cuisine (rires)
CB : Il y a un côté triste à voir, par exemple, Lucky Luke lutter pour rester jeune et ferme alors que le dessin se… barre en couille. Il y a un côté perruque ou teinture de cheveux. Ce que je trouve plus sain, c'est le parcours d'un peintre comme Matisse, qui, sans comparer, a adapté sa manière de peindre d'une part à son cheminement, à sa maturation et aussi à ses moyens. A la fin, il avait de l'arthrose, il mettait son pinceau au bout d'une baguette et dessinait des formes très larges. Peut-être qu'à la fin, on fera des pages de cinq mètres de haut qu'on prendra en photo pour les imprimer…

Propos recueillis par Nicolas Urbain et Christophe Vinsonneau

 

Document :


Les étapes de la création de la planche 6 de "L'école buissonière"

Couverture de l'édition Allemande :
avril 2003