Tirage de tête
Nov 2003, éditions CANAL BD. 444 exemplaires numérotés et
signés + 30 hc. Couverture originale sérigraphiée
3 couleurs, cahier spécial de 12 pages d'esquisses,
2 images hors-texte et 3 vignettes sérigraphiées.
Conception Pascal Le Borgne, Dupuy et Berberian
|
Extraits
:
Esquisse
:
Couverture
Document
:
Couverture
du Dossier de Presse Dupuis (2003)
Tirage
limité
|
Album spécial librairie Brüsel avec une jaquette sérigraphiée 2 couleurs sur Kraft et un cachet 500 exemplaires numérotés et signés. Réalisé à l'occasion de l'exposition Dupuy-Berberian à la librairie Brüsel du 9 au 29 septembre 2003. |
Entretien :
Entretien
publié sur BRUSSELSBDTOUR
(2003)
BrusselsBdTour
: Si vous deviez introduire ce nouvel album à
quelqu'un qui ne connaît pas la série,
que lui diriez-vous ?
Charles
Berberian : Bienvenue au club !
Philippe
Dupuy : C'est le sixième tome de ce qui devient
la longue histoire de "Monsieur Jean", écrivain
de presque 40 ans maintenant, qui vit à notre
époque, entouré de nombreux amis plus
ou moins sympathiques. C'est quelqu'un que l'on a commencé
à suivre lorsqu'il avait la trentaine et qu'il
avait des difficultés à s'engager. Maintenant,
il s'installe avec sa copine Cathy, avec qui il a eu
une fille : Julie. Dans ce nouvel album, il déménage
et c'est la grande aventure !
BrusselsBdTour : Comment naît un nouvel
album chez Dupuy-Berberian ? Y-a-t-il écriture
complète d'un scénario avant passage au
dessin ou préférez-vous vous lancer et
avancer un peu à l'aveuglette ?
Philippe Dupuy : Il y a d'abord une phase d 'écriture
pour ne pas se lancer dans un album qui fait 54 pages
sans trop savoir où l'on va. Donc, ça
commence par une discussion entre Charles et moi pour
voir un peu quelles sont les idées et on pioche
dans cet ensemble d'idées pour faire émerger
une histoire ou apporter des concordances entre les
différents thèmes, pour trouver des anecdotes
qui pourraient bien s'enchaîner. Une fois que
l'on voit ce que l'on voudrait mettre dans l'album,
on essaie de structurer une histoire pour qu'elle corresponde
au format imposé par l'éditeur et par
ce que doit être un album de bande dessinée.
Tout est donc écrit avant de commencer le moindre
dessin.
BrusselsBdTour : Comment expliquez-vous le succès
de Jean et d'Henriette ? Croyez-vous que le fait que
les problèmes rencontrés par les protagonistes
soient de même nature que ceux rencontrés
par le lectorat y est pour quelque chose? Que le public
peut s'identifier et qu'il est donc plus touché
que par les histoires des héros sans peur et
sans reproche qui inondent la BD traditionnelle ?
Charles
Berberian : Je ne crois pas que dans le cas d'Henriette,
on puisse parler de succès. Nous avons connu
avec elle un succès d'estime, mais nous en sommes
déjà au troisième éditeur
puisqu'il y a eu Fluide Glacial, les Humanoïdes
Associés et Je Bouquine chez Bayard, maintenant,
elle passe dans Spirou. C'est un personnage vraiment
très attachant (en tout cas, nous, nous y sommes
très attachés) c'est un personnage qui
est peut-être différent de l'idée
que l'on se fait d'une héroïne. Quand on
choisit une jeune fille un peu boulotte pour en faire
un personnage principal, on sait bien que l'on ne se
lance pas sur le thème des super-héros
(quoi qu'il y ait un super héros dans Henriette
qui s'appelle Fatman). Lorsque nous avions lu des bandes
dessinées comme Calvin et Hobbes ou lorsque l'on
a vu les dessins animés des Simpsons, on se sentait
proche de cet univers.
BrusselsBdTour : Avec ce héros issu de
la vie de tous les jours, n'y a-t-il pas forcément
une part d'auto-bi-biographie ?
Philippe
Dupuy : Il y en a forcément, mais ce n'est pas
de l'autobiographie au sens où on l'entend. Ce
n'est pas nous, mais ce sont des choses que l'on connaît
plutôt bien soit pour les avoir plus ou moins
vécues ou pour les avoir côtoyées
de près. Les personnages secondaires aussi peuvent
s'inspirer de gens que l'on connaît ou que l'on
a vus. Il y a aussi un tas d'anecdotes que l'on a observées
dans la rue comme par exemple dans le dernier album,
il y a deux clodos que l'on retrouve à plusieurs
reprises et ce qui leur arrive, ce sont des choses que
l'on a pu observer auprès des clodos dans notre
quartier. Comme il y en a de plus en plus à Paris,
on y est souvent confronté.
Charles
Berberian : Des clodos, vous n'en avez pas à
Bruxelles! C'est la première chose que je cherche
dans une ville, car je trouve que c'est très
représentatif. A Tokyo par exemple, j'en ai vu
un seul en une semaine. Ou alors, ils sont plus planqués
qu'a Paris.
Philippe
Dupuy : Il y a sans doute aussi des villes qui ont une
volonté de les cacher de manière à
donner une image parfaite. C'est un peu comme les Chinois
à Pékin qui vont peindre les pelouses
en vert pour qu'elles soient plus belles pour les jeux
olympiques.
Charles
Berberian : En fait, c'est ce que nous faisons dans
nos bandes dessinées : on prend la réalité et ... et ...
Philippe
Dupuy : et on la peint en vert ! (Rires...)
Charles
Berberian : On essaye de faire les choses mieux, plus
drôles qu'elles ne le sont dans la réalité.
Comme disait Truffaut : " On corrige la réalité
" par exemple, lorsque dans la vraie vie, on n'a
pas eu la bonne réplique, dans l'histoire que
l'on va raconter en bande dessinée, la bonne
réplique, celle que l'on aurait voulu avoir,
elle fuse avec un naturel et un à propos déconcertant.
L'avantage de l'écriture, c'est que si on n'a
pas la bonne réplique sur le moment, on peut
toujours y réfléchir après. Si
vous saviez ce que l'on peut ramer avant d'avoir l'air
intelligent! (rires...).
Dans nos albums, un personnage énervant, qui
aurait vexé Monsieur Jean, il glisse et se casse
la figure. C'est un exutoire aussi. C'est de l'autobiographie
mais en mieux.
BrusselsBdTour : Ce qui fait aussi un peu penser
à de l'autobiographie, c'est ce métier
d'écrivain ?
Charles
Berberian : C'est de la transposition. On ne connaît
pas vraiment ce que doit être le métier
d'un boulanger ou d'un chauffeur de taxi.
Philippe
Dupuy : T'aurais pu faire une formation en boulangerie
et moi j'aurais joué au chauffeur de taxi pendant
un an. Il y a des écrivains qui font cela. En
ce qui nous concerne, nous préférons raconter
des choses que nous connaissons. Il y a des auteurs
qui ont la capacité de se plonger dans des époques
antérieures et de les ressentir. Moi, j'ai des
difficultés à le faire. Même après
avoir lu des " Blueberry " je me sens incapable
de faire du western.
BrusselsBdTour : Jean apparaît souvent fort raisonnable.
Félix, lui est plus excessif. Pourquoi avoir
choisi des personnages si différents et en avoir
accablé un de tant de défauts ?
Charles
Berberian : Pour le contraste ! Félix, au départ,
c'était un personnage un peu parasite et énervant
mais à partir de " La théorie des
gens seuls ", nous avons commencé à
éprouver beaucoup de sympathie pour lui, même
s'il est parfois un peu brouillon, inconséquent
et irresponsable, en tout cas en ce qui me concerne,
il représente peut-être un peu mes tendances
inavouées. Parfois, on fait des efforts pour
essayer de ne pas aller dans ce sens là parce
que l'on essaye de se responsabiliser, mais ça
fait un bien fou de se lâcher de temps à
autres, de laisser aller ce personnage à nos
tendances les plus misanthropes, les plus débiles
aussi puisqu'il a toujours des théories absolument
abracadabrantes, mais qui nous font rire. Parfois l'un
d'entre nous trouve une théorie de ce genre et
la raconte à l'autre et c'est le délire.
Philippe
Dupuy : Nous aussi, nous essayons de développer
des théories qui prennent l'aspect de choses
bien construites mais qui en fait sont n'importe quoi,
et le pire c'est que l'on finit par y croire (rires).
De toute façon, quand on se lance dans un récit,
il faut typer les personnages. Si on a deux personnages
identiques, ça fait doublons. Deux personnages
tranchés, cela permet de montrer plusieurs regards
sur ce qui se passe. Plus Félix est farfelu et
plus Jean peut paraître posé et calme et
plus réfléchi. Après par exemple,
il y a Eugène, qui est un enfant et qui nous
permet de décoder le monde des adultes au travers
de son regard.
Charles
Berberian : Ceci dit, ça nous embête un
peu que Jean devienne le personnage trop raisonnable.
C'est pour cela que dans " La théorie des
gens seuls ", Jean écrase un chien "
car on a bien senti que plus Félix devenait déraisonnable,
plus Jean prenait un côté rigide qui nous
déplaisait. Donc on va lui faire faire des trucs
un peu fous maintenant à Jean.
Philippe
Dupuy : C'est drôle car en parallèle, Félix
s'est installé avec Liette qui a plutôt
tendance à le calmer et à le canaliser.
En fait, tout cela s'équilibre mais ça
prend du temps.
BrusselsBdTour : La série change d'éditeur,
est-ce là le seul changement majeur ?
Charles
Berberian : En fait, vu de l'extérieur, cela
peut paraître un changement majeur puisqu'il n'est
pas possible de comparer une maison d'édition
telle que Dupuis avec Les Humanoïdes Associés,
mais de notre point de vue, il n'y a pas de changement
puisque nous continuons à travailler avec l'éditeur
avec qui nous travaillions aux Humanos, à savoir
Sébastien Gnaedig. Nous travaillons même
avec le graphiste qui était responsable des couvertures
de Monsieur Jean. Autour, il y a évidemment des
personnes qui ont changé, les attachés
de presse par exemple, mais le noyau central reste le
même.
Philippe
Dupuy : Et notre manière de faire le livre reste
la même, la façon de penser les choses,
de partager et d'échanger les idées avec
l'éditeur. Même la forme du livre reste
avant tout la nôtre. Mais tout ça reste
du Monsieur Jean même si ça évolue
depuis le début et c'est cela qui nous intéresse
: ne surtout pas fixer les choses de façon définitive.
Tout est possible chez nous, un personnage même
clé peut disparaître et un autre apparaître.
Rien n'est fixé.
BrusselsBdTour : Il y a assez peu de duos comme
le vôtre dans la BD (on peut citer Warnauts/Raives
et Stan/Vince). Comment a débuté cette
collaboration et comment s'est mise en place une telle
complicité dans le travail ?
Philippe
Dupuy : Sans le savoir (rires...).
Charles
Berberian : Au jour le jour et naturellement, sinon ça ne se serait pas fait. Il n'y a pas eu de
décision qui s'est prise. Cela s'est fait sans
que l'on ne s'en rende compte. C'est une succession
de faits; le fait que l'on place une BD à Fluide,
qui nous en demande d'autres qui fait que l'on travaille
régulièrement à deux a certainement
forgé le duo. Le fait d'avoir fait un livre en
même temps chez Magic Strip dans un style différent
nous a montré que nous pouvions avoir une latitude
commune, que nous n'étions pas enfermés
dans un style commun, que nous pouvions évoluer
à deux. En 87, nous avons décidé
de façon quasi simultanée de nous lancer
dans l'illustration de façon plus effective :
on a démarché des revues, on a pris un
agent en publicité. En fait chaque tournant important,
on l'a pris ensemble. Il y avait une sorte d'adéquation
dans les perspectives que l'on s'était fixées.
BrusselsBdTour : Quels sont les points forts
d'une collaboration telle que la vôtre ?
Philippe
Dupuy : De ne pas être tout seul! (rires) C'est
un boulot solitaire. Même quand les gens travaillent
à deux (scénarise et dessinateur) le dessinateur
est seul face à ses planches et le scénariste
face à son ordinateur. Là, c'est bien
parce qu'il y a un échange, lorsque l'on a un
doute, on peut en parler. On sait qu'il va toujours
y avoir un autre regard sur ce que l'on est en train
de réaliser. Ça évite les blocages
car on peut transmettre les choses. Même en terme
de motivation, lorsqu'il y en a un qui fatigue le deuxième
est là pour tirer l'autre. Il est rare que les
deux fléchissent au même moment. On a les
avantages du travail en équipe sans en avoir
les inconvénients comme le fait de gérer
toute une communauté de personnes. Je crois sincèrement
que si j'avais dû bosser 20 ans dans mon coin
comme le font certains amis, je ne ferais plus ce boulot.
BrusselsBdTour : Vous ne nourrissez pas l'envie
de réaliser un album solo ?
Philippe
Dupuy : Je ne sais pas, il n'y a rien d'exclu. Dans
notre collaboration, il n'y a rien de fixé. Si
à un moment il y en a un qui ressent l'envie
de réaliser quelque chose en solo, l'autre ne
va pas le lui interdire. Nous sommes une entité
ouverte. Il n'y a pas de contrat. Cela dit, jusqu'à
présent, à chaque fois que l'un s'est
engagé sur une voie (en général
au niveau de la recherche) l'autre a réagit.
Pas pour paraphraser, mais plus pour pousser les choses
un peu plus loin. L'exception, c'est " Le journal
d'un album ", où nous avons fait chacun
nos planches.
BrusselsBdTour : Charles Berberian, vous avez
scénarisé l'excellent "Cycloman".
Alors que d'habitude, vous racontez l'histoire d'hommes
communs, pourquoi avoir ici raconté celle d'un
super héros (même s'il l'est malgré lui ?) ?
Charles
Berberian : Les premières BD que j'ai lues étaient
des comics américains et comme on a toujours
tendance à reproduire ce que l'on a aimé,
il fallait bien qu'un jour je fasse un scénario
avec un super héros. Philippe n'a pas cette culture
(rires) parfois même, il se moque de moi parce
que je continue à lire des Batman et des choses du genre. J'en avais donc très
envie, mais je suis incapable de dessiner cela. Philippe
ne s'en sentait ni l'envie, ni les capacités.
En plus, ça m'intéressait de travailler
avec un dessinateur sans intervenir au niveau du dessin
pour être réellement spectateur et voir
ce que c'est de n'être que scénariste sur
un projet aussi long. Ça m'a beaucoup plu. D'abord
parce que Grégory Mardon est un très bon
metteur en scène, il a un sens très élaboré
du découpage sans doute car il vient de l'animation.
Philippe
Dupuy : Jean, c'est notre costume de super héros
! (rires...).
Charles
Berberian : oui, c'est ça, on le met pour avancer
la nuit, pour affronter les angoisses et les contrariétés
de la vie.
BrusselsBdTour : Vous faites partie des pionniers
de ce que l'on appelle la nouvelle BD. Comment la définissez-vous
et en son sein, comment caractériseriez-vous
le travail, voire le style Dupuy-Berberian ?
Charles
Berberian : D'abord, une précision : la nouvelle
BD ne s'arrête pas à la liste des auteurs
cités par d'Hugues Dayez dans son livre.
Philippe
Dupuy : Elle ne commence pas là non plus ! (rires...).
Charles
Berberian : C'est un terme qui n'est pas fondamentalement
faux dans la mesure où quand la majeure partie
des journaux de BD ont disparu, beaucoup d'auteurs ont
migré ailleurs et abandonné la BD parce
que ce n'était plus sous les projecteurs et que
c'était difficile d'en vivre. Il y a donc à
cette époque toute une génération
d'auteurs -dont nous faisons partie- qui ont continué
la BD parce qu'ils ne pouvaient pas faire autrement.
Il y avait une sorte de force, d'envie qui nous poussait
à faire des livres. Toute une nouvelle génération
d'auteurs est arrivée tels que Joann Sfar ou
Lewis Trondheim -qui sont des mutants- qui n'ayant plus
de journaux ont été obligés de
produire énormément pour pouvoir en vivre.
Philippe
Dupuy : Ils n'ont pas connu les journaux du tout, alors
que nous en avons encore bénéficié
à leur fin.
Charles
Berberian : Ils ont développé cette force
de travail, cette rapidité et cette efficacité qui en fait des mutants.
Philippe
Dupuy : Ce sont des X-men (rires...).
Charles
Berberian : Ils ont une mutation commune à tous,
qui est le fait de ne plus être des collaborateurs
de journaux mais des auteurs de livres. On ne travaille
plus à une collection de pages, on travaille
à un ouvrage. Des gens comme David B., nous même
lorsque nous nous sommes lancés dans "Le
journal d'un album", Marjane Satrapi ou Guy Delisle
avec "Pyongyang", on travaille véritablement
un contenu et le lecteur mute par après vu qu'il
n'achète plus un livre pour le ranger sur une
étagère dans le bon ordre des numéros.
Philippe
Dupuy : Avant, les gens découpaient les albums
dans les journaux ou ils les achetaient après
leur parution parce qu'ils avaient aimé, maintenant,
ce n'est plus le cas. Les gens achètent le livre
pour découvrir ce qui est à l'intérieur.
Charles
Berberian : C'est cette mutation que l'on appelle "nouvelle
bande dessinée", mais elle prend déjà
ses racines dans la collection "(à suivre)".
D'ailleurs, ce sont des auteurs qui sont cités
par Dayez (Rabaté, De Crécy, Tardi, Pratt,
Denis...). Monsieur jean vient un peu de là.
Philippe
Dupuy : En fait, la BD ne s'arrête pas à
ce dans quoi on l'a cloisonnée jusqu'à
présent. Ce sont des livres dans lesquels on
peut raconter plein de choses différentes et
cela, de différentes manières. Avant,
on identifiait cela à une tranche d'âge
et un type de lecture. Par comparaison, le cinéma
ne s 'arrête pas à Walt Disney et aux westerns.
Il y a dans la BD tout comme dans le cinéma énormément
de choses pour les enfants que l'on était ou
pour ceux que l'on a mais aussi pour les adultes que
l'on est devenu et cela, pas seulement avec le souvenir
de ce que l'on aimait lire lorsque l'on était
petit. La nouvelle BD n'est pas un phénomène
totalement nouveau. Il y avait déjà eu
des signaux d'alerte à l'époque de Pilote
ou de Métal Hurlant. Crumb n'est pas né
d'aujourd'hui, mais il présente énormément
de choses différentes. On peut citer aussi Gotlib
et bien sûr Giraud. Pilote et Métal ont
été créés par des auteurs.
La nouvelle génération était devenue
adulte et avait l'envie d'écrire des livres (mais
il n'y avait plus personne pour les publier) il fallait
créer une structure. C'était la même
démarche que Gotlib, Brétécher,
Druillet, Moebius, ... avec Métal. Mis à
part que ce ne sont plus des journaux mais des maisons
d'édition, telles que L'Association, Ego comme
X, Cornélius, ...
BrusselsBdTour : On imagine que pour en arriver à ce que vous faites, il y a eu un long cheminement.
Quelles ont été vos influences BD ?
Philippe
Dupuy : En plus de ceux que l'on a cités, il
y a aussi Avril et Petit-Roulet, Chaland, Blutch. Dans
les plus anciens, Franquin et Druillet qui avait déjà
fait dans les années 70 des choses incroyables.
Charles
Berberian : On parle souvent de Giraud/Moebius comme
d'un excellent dessinateur, mais j'aime aussi beaucoup
ses scénarii. Je trouve qu'il a un grand sens
du dialogue. Il parvient à donner de la chair
à ses personnages. Comme son trait est très
fin lorsqu'il fait du Moebius, son dialogue est fait
de la même manière il y a beaucoup de finesse
et de simplicité dans sa façon de poser
ses personnages et ses situations. Dans le cycle d'Aedena
par exemple, je trouve les deux personnages très
humains et très charnels. Je pense qu'il n'est
pas pour rien dans la densité que prend Blueberry
à partir du "Spectre aux balles d'or".
BrusselsBdTour : Pensez-vous que Bd et internet
puissent faire bon ménage ?
Philippe
Dupuy : Cela dépend de comment on envisage le
mariage.
Charles
Berberian : Si c'est dire que le papier n'est plus utile
parce qu'il y a internet et que l'on peut lire sur l'écran,
je ne suis pas pour. Je ne peux pas feuilleter sur un
écran. On ne peut pas le prendre comme un livre
et ...
peut-être qu'un jour il y aura des écrans
comme des feuilles (rires...).
Philippe
Dupuy : Peut-être mais en attendant, le bon ménage
que je vois, il est dans le domaine d'échange
d'idées, les liens qui peuvent se créer.
Charles
Berberian : Il y a quelque chose de formidable avec
internet, c'est que je n'ai plus aucun problème
de documentation. Je peux trouver tout en photo. Ça
peut aller du casque de pompier à quelque chose
de très pointu comme un monument dans une ville
particulière. A ce point de vue, internet est
un outil extraordinaire. Pour ce qui est des échanges,
lorsque l'on travaille avec un éditeur canadien,
hollandais ou encore allemand, on a des contacts directs
extrêmement rapides. S'ils ont besoin d'une précision
pour une traduction, la réponse est très
rapide.
Philippe
Dupuy : Un autre aspect de la relation internet et BD
c'est les sites. Un bon site peut fonctionner aussi
bien qu'un bon magazine au point de vue de l'information
avec en plus une facilité de communication entre
les gens plus simple que le courrier des lecteurs. Internet
aura aussi l'avantage par rapport au magazine de pouvoir
inclure des séquences vidéos. Cela peut
être un plus. Lorsque nous avons réalisé
le tome 5, il y avait un Cd-rom avec l'album avec une
interface qui montrait tout le travail préparatoire
comme des crayonnés mais il y avait aussi un
film, un reportage audio… pour montrer qu'il existait
des passerelles entre le monde de Monsieur Jean et les
personnages de la vraie vie.
BrusselsBdTour : Comment voyez-vous la BD dans
20 ans ?
Charles
Berberian : Il y a un problème économique
qui va finir par se poser, à savoir que la BD
coûte cher, et de plus en plus cher. On peut comparer
avec l'industrie du disque et on voit où elle
en est maintenant. La BD doit rester quelque chose de
populaire, de démocratique même si on peut
envisager des tirages spéciaux qui coûtent
un peu plus cher. Par exemple, je suis lecteur de manga
alors quand on voit des séries à 18 ou
20 volumes qui coûtent 8 ou 10 euros pièce,
ça commence à chiffrer. Et pourtant c'est
bien moins cher qu'un album de BD courant qui coûte
au moins aussi cher et qui fait 54 ou 75 pages alors
qu'un manga en fait 200 à 300. Il faut trouver
une solution à cela. Pour en revenir à
internet, si internet pouvait par exemple trouver un
système de prépublication démocratique
où il serait possible de télécharger
des pages, cela pourrait amener les gens à lire
des choses qu'ils n'auraient pas essayées. Il
y a une surproduction pour le moment en BD et on ne
peut pas tout acheter. Si on a la chance d'habiter près
de chez un bon libraire, on sera bien conseillé,
mais ce n'est pas toujours le cas en province. Il y
a même des choses qui n'y sont pas disponibles
alors pourquoi ne pas combler ce vide via internet.
Si c'est cela la vocation d'internet, alors ce sera
bénéfique pour tout le monde et là,
il y a une place à prendre.
Propos recueillis par Jean-Marc B.
Traductions
: |
|
"Meneer
Johan, Een doos te veel"
éditions Dupuis,
septembre 2003
ISBN 90-314-2531-1
48 pl. coul.
Collection Expresso
PAYS-BAS |
|
|